Nous ne serons pas les têtes de gondoles d’une politique touristique climaticide - Lettre à Carole Delga, présidente de la région Occitanie

Publié le par Célia Izoard et d'autres signataires

Chère présidente,

Voilà près de deux ans que vous battez la campagne avec ce mot d’ordre, très simple : « L’objectif pour la région Occitanie est de faire partie du Top 10 des destinations touristiques européennes ». Ainsi, pour que la région ait l’insigne honneur de figurer aux côtés des îles Canaries ou de la Croatie au palmarès des paradis touristiques, vous avez lancé un fonds de 100 millions d’euros en partenariat avec la Banque européenne d’investissement pour financer des infrastructures et soutenir l’initiative privée. Surtout, vous menez une ambitieuse politique de marketing territorial fondée sur la labellisation de 40 « Grands Sites Occitanie » aux intitulés poétiques : « Carcassonne et les cités du vertige », « Collioure en côte Vermeille », « Bastides et Gorges de l’Aveyron »… 

Quel est le but de ce label, officialisé par la signature d’un contrat entre la Région et les élus locaux ? En devenant Grands Sites Occitanie, ces endroits pittoresques seront accompagnés dans la « montée en gamme » de leur offre touristique. Ce qui leur permettra de servir – ce sont vos mots – de « véritables produits d’appel » pour partir à la « conquête de clientèles internationales », en particulier « les classes moyennes des économies émergentes qui constituent les gisements de touristes pour les quinze prochaines années »(1). En clair, il s’agit de passer d’un tourisme encore majoritairement régional à une destination internationale conçue pour les nouvelles bourgeoisies chinoises, indiennes ou brésiliennes.

Pour nous, habitants et habitantes d’Occitanie, cet objectif paraît quelque peu décalé. A l’heure où la crise climatique se précipite, le fait que l’économie régionale repose sur l’aéronautique et donc l’expansion du trafic aérien pose déjà problème. L’idée de la compléter par une politique touristique volontariste qui favorise encore l’hypermobilité et le trafic aérien témoigne d’une conception assez étriquée des sciences climatiques. Savez-vous que le tourisme, selon une étude récente de l’Université de Sydney, est responsable d’environ 8 % des émissions de CO2 dans le monde ? Ces dernières semaines, on a relevé dans la Région des températures approchant les 46 degrés. Pour la première fois de leur vie, des agriculteurs de l’Hérault, de l’Aude ou du Gard, ont vu leurs cultures se consumer sous les rayons du soleil. Est-il bien raisonnable de tabler sur des prévisions globales de 2 milliards de touristes internationaux à l’horizon 2030 ? L’extrême vulnérabilité de l'économie touristique aux aléas climatiques n’impose-t-elle pas, à elle seule, de reconsidérer ce genre d’investissements ? Demandons-nous plutôt comment on pourra cultiver la terre en Occitanie en 2030, et s’il y aura assez d’eau potable.

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