Vendre la Bastille
La Bastille aurait pu rester un charmant site sauvage à deux pas du centre-ville de Grenoble. Mais dès 1934, en installant un des premiers téléphériques urbains au monde sur cette petite colline fortifiée, les élites grenobloises ont voulu s’en servir pour vendre leur ville aux touristes et aux investisseurs. L’image étant depuis des dizaines d’années sur toutes les cartes postales, il a fallu trouver un autre moyen de tirer profit de cet espace naturel. C’est là qu’intervient Michel Lambert...
Imaginez la claque que ça a dû être : passer de la direction d’une des plus grandes stations de ski d’Europe à celle d’un téléphérique urbain, long d’à peine 600 mètres. C’est pourtant ce qui est arrivé à Michel Lambert.
Jusqu’en 2002, il décidait du futur de Tignes, en tant que patron de la société d’économie mixte Tignes Développement, fédérant l’ensemble des services de prestations touristiques de la station savoyarde. Tignes, c’est des centaines de milliers de touristes, dont la majorité sont étrangers. C’est la « ville la plus sportive de France » en 2008, selon le journal L’Équipe. C’est Tignes « la freestyle, la cosmopolite, la jeune, la festive, la geek, la rideuse, la clubbeuse, la followeuse, la tendance, la fashion, la décalée, l’atypique », pour le service de communication municipal. C’est l’espace Killy, domaine qui englobe sa station et celle de Val d’Isère pour former « le plus bel espace de ski du monde ». C’est la sono sur les pistes, le bike park, le crazy airbag, le golf, le parcours aventure, les cinq minutes d’hélicoptère à 33 euros. C’est le fun, le hype. C’est l’avenir.
En 2002, Michel Lambert atterrit à la régie du téléphérique de Grenoble. Ce téléphérique mène à la Bastille, petite colline située deux cent cinquante mètres de dénivelé au-dessus de la préfecture de l’Isère. Ancien fort militaire, la Bastille est avant tout un ensemble impressionnant de murs, de casemates, d’escaliers, de terrasses, le tout en pierre. C’est impressionnant mais c’est vieux – plus de cent cinquante ans. En plus c’est un « espace protégé ». Bref, rien à voir avec la station de l’espace Killy, dont un des nombreux slogans proclame « À Tignes, on ne vous laissera pas tranquille ». À la Bastille, en 2002, on y est presque, tranquille, car il y a encore très peu d’aménagements récents.
Pourquoi une telle évolution de carrière ? À Tignes, Michel Lambert devait son poste à sa proximité avec l’édile de la ville, Bernard Reymond. Quand en 2002, une nouvelle majorité est élue avec à sa tête Olivier Zaragoza, un des pires ennemis de l’ancien maire, Lambert a dû, bien malgré lui, prendre la porte. La petite histoire ne dit pas s’il n’a pas voulu retrouver un poste similaire dans une autre station ou si ses états de service ont refroidi tous ses employeurs potentiels.
[…]
Retrouvez l’article complet en suivant le lien ci-dessous :