L'âge du tourisme-Chapitre V de Aspects du XXe siècle

Publié le par André Siegfried

L'âge du tourisme-Chapitre V de Aspects du XXe siècle

"L'âge du tourisme" est le Ve chapitre de l'ouvrage de l'académicien, sociologue, historien et géographe André Siegfried Aspects du XXe siècle.  Cet ouvrage reproduit en grande partie le texte de six conférences, données en 1954 à l'Université des Annales et publiées la même année dans la revue Les Annales. Il y développe son idée de base, à savoir, "que la machine, revendiquant non seulement la production industrielle, mais s'insinuant dans toutes les démarches de notre vie, est en train de renouveler entièrement le caractère de notre civilisation".

En parlant de l'âge du tourisme, j'entends surtout le tourisme organisé, ce tourisme de série qui est devenu l'un des aspects les plus typiques de notre siècle. C'est un fils de la vitesse et de la démocratie, qui s'intègre étroitement dans l'évolution industrielle, dont il a du reste exactement suivi les étapes : on y distingue en effet une période artisanale, une période mécanique, la période administrative enfin dans laquelle il est pleinement engagé aujourd'hui.

Le développement du tourisme suit fidèlement celui de la société, dont il est en quelque sorte fonction. Il y avait d'abord eu un tourisme d’Ancien Régime, artisanal, aristocratique, personnel. Le nouveau tourisme est organisé, presque mécanisé, collectif et surtout démocratique. Le premier ne survit qu'à titre d'exception, comme un luxe, presque comme une curiosité. C'est le second qui est devenu la règle, associé à une conception, à une doctrine du loisir, dont on a fait une fonction sociale, organisée et réglementée. Il est du reste logique qu'à l'âge de la production et de la consommation de masse corresponde un tourisme de masse.

 

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Enjambant le XXe siècle, l'Ancien Régime s'est poursuivi dans ce domaine jusqu'à la première guerre mondiale. Si nous évoquons la Suisse, l'Italie, la Côte d'Azur de l'époque, qu'était le touriste de cet âge aujourd'hui disparu ? Généralement un lord anglais, ou bien le membre de quelque aristocratie fortunée : un grand duc russe, un prince de l'Europe centrale, un roi même (quelquefois « en exil »), souvent un Sud-Américain mais plus rarement un Américain du Nord, en tout cas un personnage bien fourni de revenus et de loisirs, pouvant s'absenter longtemps de ses affaires, à supposer qu'il en eût, ne calculant ni le temps ni l'argent, disposant de l'un et de l'autre sans compter.

Quand venait-il et que demandait-il ? Il cherchait – nous avons bien changé ! – la fraîcheur l'été et la chaleur l'hiver, ce qui signifie qu'il allait l'été en Suisse et l'hiver dans la Méditerranée. Ajoutons, ce en quoi nous avons également bien changé, qu'il faisait de longues stations, s'installant pour longtemps dans le même endroit, parfois pour toute une saison : ses déplacements relevaient un peu de la migration, arrivant et repartant comme les hirondelles. Ce qu'était son hôtel, nous l'avons bien oublié depuis que l'électricité, l'auto, l'avion ont transformé révolutionnairement la face du monde. Sa chambre, fort spacieuse, s'éclairait à la lampe, se chauffait par un poêle ou une cheminée et n'avait pour ainsi dire jamais de salle de bain : il y avait des pots à eau et des seaux où l'on vidait les cuvettes ; les Anglais, ces pionniers de la propreté corporelle au XIXe siècle, apportaient avec eux leurs tubs (il y en avait en caoutchouc, que l'on pliait dans les bagages) ; le Prince de Galles, futur Edouard VII, faisait venir du dehors une baignoire ! La clientèle ne se plaignait pas de ce confort rudimentaire et ne s'étonnait pas de cette absence de tuyauterie, devenue indispensable aux Américains. C'était la société victorienne britannique qui donnait le ton.

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