Le grand virage vers l’antitourisme
Ce texte a été présenté et proposé à l'assemblée des habitants qui s'est tenue le 17 juillet 2021 à Saint-Laurent-en-Royans, dans le cadre du festival alter-rallye Le Grand Virage qui a eu lieu les 16, 17 et 18 juillet à Saint-Laurent-en-Royans ; festival organisé par
Cette assemblée s'était réunie pour discuter des différents projets d'infrastructures en cours dans le Royans ; projets liées au tourisme .
Nous tenons tout d’abord à remercier les organisateurs du Grand virage de nous avoir invités.
Si l’Office de l’antitourisme de Grenoble est venu participer à ce festival ce n’est pas pour dénoncer seulement l’aberration de ce 39e rallye de la Drôme. Cet événement qui s’approprie le territoire pour en faire son terrain de jeu et fait l’éloge de la bagnole, est critiquable de manière évidente. Comment peut-on encore rendre hommage à la bagnole alors que nous connaissons le monde qu’elle a développé et constatons au quotidien ses méfaits et ses nuisances ?
Nous sommes venus ici aussi vous faire part de notre critique qui s’en prend à l’essence même du tourisme, à la marchandisation qu’il impose et à l’effet de compensation qu’on lui demande de jouer dans l’aliénation du travail.
On pourrait nous reprocher de vouloir tirer sur l’ambulance. Le tourisme est en effet le secteur économique qui a le plus souffert de la pandémie de la Covid-19. Les restrictions de mobilités dues à la pandémie ont imposé au tourisme une récession de son activité qui a eu des conséquences sociales désastreuses : des plans sociaux ou de sauvegarde de l’emploi, des restructurations, des dépôts de bilan et des faillites, du chômage partiel, des emplois menacés, des licenciements et des suppressions de postes. Selon le WTTC (World Travel & Tourism Council), un des plus puissants lobbys de l’industrie du voyage et du tourisme, la crise de la Covid aurait provoqué une perte de 175 millions d’emplois dans le monde en 2020. En France, en montagne, l’hiver 2021 a été rude pour les stations dont les remontées mécaniques n’ont pas eu l’autorisation de fonctionner…
Nous intéressant plutôt à ce que notre société sorte de l’économie marchande — productrice de misère et de pauvreté —, nous sommes loin de nous passionner pour sa supposée bonne gestion. Néanmoins, toutes ces conséquences économiques catastrophiques auraient dû, dans l’esprit d’un administrateur formaté par les sciences économiques, pointer du doigt la fragilité du secteur touristique. Le nouveau président de l’agglomération de Val d’Europe dont le tourisme représente 85 % de ses ressources, envisage d’ailleurs de diversifier son économie pour ne plus dépendre exclusivement du tourisme : la Communauté d’agglomération parle de 25 millions d’euros de perte sur 2020 et 2021 à cause de l’effondrement du tourisme.
Malgré les conséquences de l’épidémie, les pouvoirs publics ont décidé de développer le tourisme en montagne en proposant le plan « Avenir Montagne » et son financement. Il ne s’agit pas ici de diversifier l’économie vers d’autres secteurs mais de favoriser une offre touristique plus large. Le tourisme avait déjà désertifié certains villages hors saison touristique. Il avait réaménagé les territoires. Il avait aussi folklorisé, artificialisé, accaparé et monopolisé l’activité et les terres en hiver. Il avait également imposé la hausse du prix de l’immobilier et du foncier. Aujourd’hui, les pouvoirs publics, mais aussi les collectivités territoriales et les professionnels du tourisme se donnent pour objectif d’orienter le tourisme vers une diversification des activités permettant d’accueillir des touristes non plus sur la saison de ski mais également toute l’année. Contre la fragilité d’un tourisme saisonnier la solution proposée est d’encourager encore plus la mobilité et la marchandisation. Et on nous parle de transition écologique des activités touristiques de montagne !
Nous espérons que certains d’entre vous prendront conscience des méfaits de ce plan montagne et de cette dépendance exclusive au tourisme qui est envisagée. Nous espérons aussi que face aux offices du tourisme qui ne manqueront pas de s’installer ces prochaines années en faisant la promotion de la montagne, d’autres offices voient le jour, ceux de l’antitourisme.
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