«La notion de surtourisme relève du mépris de classe» - Interview de Jean Pinard
- Jean Pinard remet en question la notion de «surtourisme» après la reprise post-Covid.
- Il critique l’élite qui dénigre les masses touristiques familiales et populaires.
- Le tourisme pollue deux fois plus qu’il ne rapporte économiquement, selon Pinard.
- Il recommande l'aménagement et l'utilisation des transports publics pour réguler.
- Une tribune que vous avez signée dans «Le Monde», dans laquelle vous dénoncer ceux qui parlent de «surtourisme», a fait beaucoup parler.
- Cette notion de surtourisme est revenue récemment dans le débat, via les réseaux sociaux et les médias. Je situe son irruption à la reprise après le Covid. Ça peut se comprendre. Il y a eu un vide, puis tout d'un coup, un ressenti de trop-plein. Les gens avaient envie de bouger. Ce trop-plein n'en était pas forcément un, d'ailleurs: il n’y a, la plupart du temps, pas eu plus de fréquentation après le Covid qu'avant. Mais cela a été interprété comme du surtourisme.
- C’est une notion ancienne ?
- L’idée consistant à dire que le tourisme, ce n'est pas bien, que cela nuit à la qualité de vie locale, est née avec cette industrie. Il y a toujours eu une forme de critique vis-à-vis de ceux qui venaient et perturbaient «la tranquillité des lieux». Mais la notion est surtout utilisée depuis longtemps par la classe dominante, qui s’arroge le droit de voir le monde, tandis que le populo détruirait sa magie. C’est pourquoi je parle de mépris de classe.
- Ce sont les privilégiés en business class qui disent du mal des masses partant en voiture à Barcelone ou à la plage à Cavalaire ?
- Exactement. Cette forme de dénonciation est montée en puissance ces cinq ou six dernières années, s’appuyant sur le sujet du réchauffement climatique. Il y a en effet des évaluations légitimes qu'on ne faisait pas avant. En France, le tourisme représente entre 4 et 5% du produit intérieur brut (PIB), le pays est la première destination mondiale. Mais les émissions de gaz à effet de serre liées à cette activité, c'est 11%. Si on fait court, le tourisme pollue largement deux fois plus que ce qu’il rapporte à l'économie. C’est un réel problème. Ce qui n'est pas durable dans le tourisme, c'est le transport, voiture et avion, représentant 77% des externalités, un comble pour une économie du voyage. Mais ceux qui partent loin et cher, passant leurs congés au bout du monde à Bali, ou dans un écolodge du Costa Rica, se sont emparés de ce thème. Ils se sont dit: ce n'est pas possible qu'on nous accuse, nous, de polluer. Alors retournons le problème. On va ainsi chercher à considérer que les classes familiales et populaires polluent bien davantage que l’individu privilégié.
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