N’en faites pas une montagne !

Publié le par Office de l'antitourisme

Ce texte sous forme de tract a été distribué devant le Palais des sport de Grenoble, à l'entrée du festival Ciné montagne.

Chaque année depuis 20 ans c’est la même musique au Ciné montagne. Des milliers de montagnards métropolitains se retrouvent pour voir les dernières «aventures» filmées de quelques vagabonds sponsorisés. Le public amateur contemple ce spectacle porté par les entreprises privées (banque, marques d’équipements, restaurations, logements) et les institutions à leurs services. Le tout dans un des vestiges des JO d’hiver de 1968: le palais des sports insuffle-t-il l’esprit olympique? Plus vite, plus haut, plus loin... dans le mur. Si l’organisation met en avant un vernis d’inédits et de surprises, l’idéologie qui anime le festival, elle,ne change pas! Cette idéologie prétend que l’ensemble du monde est un espace ludique et récréatif,un espace de conquête et de dépassement de soi, qu’il faut «partir à l’aventure» pour «s’évader»(le temps d’un après-midi). Mais s’évader de quoi au juste? Le sport et les loisirs sont-ils vraiment émancipateurs, où ne sont-t-ils pas plutôt une forme de canalisation, de contrôle, de fuite en avant individuelle? Une forme de compensation face à la frustration d’une vie qui nous échappe et dont nous perdons le sens. La montagne peut combler ce vide de sens en apparence, mais nous savons très bien que ce n’est pas en s’évadant quelques heures ou jours que l’on créera l’en-commun qui nous manque tant et qui, lui, donne du sens à notre vie.Nous ne parlons pas ici d’une «aventure humaine» centrée sur un projet (souvent entrepreneurial et narcissique) éphémère, mais d’un projet collectif et global de société. L’idéologie que transmet ce festival est aussi celle du projet individuel financé par les industriels du secteur. Les films sont surtout des espaces publicitaires pour leurs financeurs. Sous un discours faisant l’apologie de la liberté, les acteurs des films se retrouvent souvent à leur insu incarner les champions de l’industrie du rêve standardisé et du divertissement.Divertir a pour origine «détourner ». Mais de quoi veulent-ils nous détourner? Détourner de l’évidence qu’il n’y a pas d’ailleurs à la société capitaliste ? L’ailleurs que mettent en scène les films n’existe pas. C’est avant tout un spectacle marchand! Ces films réalisés par une avant-garde dans des espaces vierges laissent croire que chacun pourra avoir «son Everest». Cela n’est pas possible, les films eux même, s’ils distinguent leur «héros» et flattent leur égo, créent un désir de mimétisme et provoquent des effets de massification. C’est évidemment l’objectif des marques pour vendre leurs marchandises puis des agences de voyage et bureau des guides et accompagnateurs (partenaires du festival) qui vendront les destinations ainsi mises en valeur. Le dépaysement en milieu hostile, le risque, l’absence de limite, le défi, le sensationnel, l’inédit,l’engagement, l’ambition, la prise de risque pour marquer son empreinte et être le premier, l’avoir fait. Voilà ce que mettent en scène les projections dans une «compétition bienveillante(?)». Cette production cinématographique formate et enferme les imaginaires ainsi prisonniers des normes à la mode. Qu’il aille au plus loin du globe où à côté de chez lui, l’« aventurier», sans en avoir vraiment conscience, fait la promotion et développe le secteur très lucratif des loisirs et du tourisme. Le premier de cordée ouvre de nouvelles voies au marché économique et ainsi les derniers espaces sauvages sont laissés à l’exploitation touristique et deviennent des marchandises comme les autres,des territoires à vendre. Ceci tandis que nos vies sont de plus en plus cloîtrées dans nos univers climatisés, où l’évasion n’est plus que virtuelle: un simple reflet sur nos écrans.

Pour contacter notre collectif: anti-tourisme@riseup.net

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