Surtourisme : la Bretagne menacée ?

Publié le par Enquêtes de Région - France 3 Bretagne

Surtourisme : la Bretagne menacée ?

Malgré un mois de juillet maussade, la saison touristique en Bretagne est globalement bonne. La région est dans le top 5 des destinations préférées des Français pour cette saison 2023. Certains lieux sont effets particulièrement fréquentés et voient leur environnement impacté. Certains évoquent désormais les dangers d'un surtourisme et donc d'une tourismophobie. Alors comment éviter cela ? "Enquêtes de Région" fait le point sur les solutions possibles. De la mise en place de jauge, le choix de Bréhat depuis cet été, à la promotion d'un tourisme vert, une révolution est en marche dans le secteur du tourisme.

"Les Bretons ont raison de s’inquiéter. Le changement climatique redistribue les cartes du tourisme", explique Rodolphe Christin, sociologue

 

La Bretagne figure dans le top 5 des destinations préférées des Français en 2023. Ce flux touristique pourrait encore augmenter en raison du réchauffement climatique. Les vacanciers seraient alors plus nombreux à venir chercher un peu de fraîcheur sur les côtes bretonnes. C'est le scénario redouté par le sociologue Rodolphe Christin. Spécialiste du tourisme, il répond à nos questions dans le magazine Enquêtes de Région « Surtourisme : la Bretagne menacée ».

Les vacances et le voyage sont les thèmes de recherche de prédilection de l'écrivain et sociologue Rodolphe Christin. Auteur du « Manuel de l’antitourisme » et de « La vraie vie est ici », il dénonce le gigantisme du développement touristique et invite à repenser le voyage. 

 

QUESTION : "Jauge, quota, pré-réservation : est-ce que ce sont des outils intéressants pour limiter le surtourime ?"

Ce qu’il se passe sur l’île de Bréhat est intéressant. Cela montre le paradoxe dans lequel le libéralisme nous conduit. D’un côté, on a une promotion du tourisme et une recherche de croissance voulue par les acteurs publics et privés et de l’autre, on récolte ce que l’on sème, c'est-à-dire les méfaits du tourisme. On en arrive donc à des situations extrêmement contraintes où prolifèrent les normes, les quotas, les interdictions. L’expérience du voyage dans ce monde-là est complètement dépoétisée, la spontanéité devient de moins en moins possible.

 

QUESTION : "La Bretagne est-elle à l’abri pour les années à venir du tourisme de masse ou la région devrait faire attention ?"

Les Bretons ont raison de s’inquiéter. Le changement climatique est en train de redistribuer les cartes de fréquentation et de flux touristique. Les gens, s’attendant dans le sud et le sud-ouest de la France à des épisodes de canicule, vont aller dans les territoires qui ont une réputation de fraîcheur. On peut s’attendre dans les années à venir à ce que les mobilités touristiques à destination de la Bretagne augmentent. Oui, les Bretons ont raison de s’inquiéter s’ils ne veulent pas que leur littoral se gentrifie et que la vie locale y devienne de plus en plus impossible.

QUESTION : "Un nouveau marché émerge en Bretagne, celui de la croisière. Plusieurs escales ont été marquées par des manifestations. C’est un tourisme que vous condamnez ?"

Le tourisme n’est plus cet objet consensuel qu’il a été pendant des décennies. Face au gigantisme voulu et organisé du développement touristique, il y a des individus, des habitants qui manifestent contre ce tourisme. Je n’utilise pas le terme de « tourismophobie » que j’entends parfois parce que cela laisse entendre que la critique du tourisme serait une pathologie alors qu’elle est tout simplement une prise de conscience.

QUESTION : "Pour certains, ces croisières sont le rêve d’une vie, le projet d’une année. Vous comprenez ce besoin d’exotisme, d’évasion ?"

Je ne suis pas certain que le bateau de croisière soit la meilleure solution pour trouver de l’exotisme, du dépaysement. Je ne veux pas culpabiliser les individus. Je pense que le tourisme est un système avec une promotion incessante. Il faudrait généraliser le « démarketing » et organiser la décroissance du tourisme, pas seulement en Bretagne, mais d’une façon générale, car il me semble que le tourisme et le développement qu’il poursuit n’est pas compatible avec les enjeux écologiques et sociaux.

QUESTION : "Qu’est-ce qu’un bon touriste selon vous ? Celui qui ne part pas, qui reste chez lui ?"

Un touriste qui ne part pas, ce n’est pas un touriste par définition ! Ce serait quelqu’un qui part moins souvent, plus longtemps, en faisant attention aux moyens de locomotion qu’il utilise. Cette fréquence et ce réflexe conditionné lié au fait de partir en vacances doit être interrogé. Cela nous renvoie à nos conditions de vie dans nos existences quotidiennes : qu’est-ce qui pousse les gens à partir systématiquement en vacances ? Cela renvoie finalement à un « vivre ici » qui serait insupportable.

QUESTION : "Vous croyez encore aux vertus du voyage ?"

Bien sûr, mais le voyage mériterait d’être un peu plus rare, plus exceptionnel, pensé et réfléchi de manière à conserver une dimension poétique.

Retrouvez l’interview en suivant le lien ci-dessous :

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